Extraits de la Préface de Nikos Lygeros
Erol Özkoray n’est pas seulement un journaliste ou un intellectuel, c’est un véritable combattant de la paix au sens d’Albert Camus. Son livre n’est pas un simple pamphlet mais un acte d’accusation.
À l’instar d’Émile Zola, il n’a pas le pouvoir de condamner aussi en tant que juste il accuse. Il montre aussi que l’Union Européenne a joué un rôle catalytique dans l’apparition du « régime caché », du « totalitarisme sournois ». Il démontre par un raisonnement par l’absurde que la Turquie n’est ni un pays républicain et laïc, ni un pays musulman modéré malgré les dires du monde extérieur. Car il n’est pas dupe quant à la politique de dissimulation du gouvernement. Il sait que le vrai pouvoir est détenu par les militaires. Son analyse de l’enquête sur Ergenekon est limpide et précise. […]
[…] Il ne joue pas le rôle du prophète, pas même celui de Cassandre mais il regarde lucidement le futur de son peuple et ne peut s’empêcher de prévenir les hommes libres pendant qu’ils le sont encore, qu’un pays qui n’a pas de passé, est aussi un peuple qui n’a pas d’avenir.
Voilà pourquoi la lecture de ce livre est une nécessité pour les combattants de la paix.
Le régime politique de Turquie est actuellement le plus anachronique et le plus archaïque de l’Europe. Il s’agit d’un “totalitarisme sournois”, dans lequel l’armée turque exerce le vrai pouvoir. Plusieurs institutions comme le “Conseil National de Sécurité”, où siègent des militaires, ont pour but de contrôler et de censurer le gouvernement civil.
Ce régime, issu du coup d’État militaire de 1980, est fondé sur la Constitution de 1982, pour mieux asseoir le pouvoir militaire. Il existe par ailleurs une pseudo-constitution secrète appelée “Acte politique de sécurité nationale”, qui consiste à énumérer les lignes rouges de l’État turc : le problème kurde, le problème chypriote, le Génocide arménien. Aucune solution à ces problèmes majeurs n’est possible dans ce système où les militaires règnent en maîtres. Ce régime schizophrénique, où le vrai pouvoir n’a jamais appartenu aux élus, est qualifié par l’auteur de régime de “Coup d’État permanent”.
Le processus d’adhésion à l’Union européenne joue beaucoup pour la normalisation politique du pays. Dans ce cadre, le “Procès Ergenekon” contre les putschistes de l’armée turque est une première faille pour défaire ce pouvoir. Mais il reste encore beaucoup à faire.
Erol Özkoray est le premier journaliste-écrivain qui a défié l’armée turque en tant qu’intellectuel. En 2000, il s’érige contre le pouvoir de l’armée qui bloque la démocratisation et empêche l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne. L’État major le poursuit en justice et perd au total les 15 procès qu’il a intentés contre lui. Son lynchage par la presse précède ceux de Hrant Dink et d’Orhan Pamuk, Prix Nobel de Littérature. Le journaliste arménien Dink sera assassiné sur ordre de l’État profond qui n’est autre que l’État major, et Pamuk se réfugiera aux États-Unis pour sauver sa vie. Özkoray vit entre Istanbul et Paris.
Table des matières
Préface
Introduction
Un régime schizophrénique
Le « putsch permanent »
Flagrant délit de l’armée turque : Ergenekon
Quand l’exception devient la règle
Légitimation du pouvoir : Stratégie de crises
Les lignes rouges du pouvoir
Les sources du totalitarisme et du fascisme d’État turc
Militarisation du civil
La tyrannie des médias
La fin de la IVe République
Les failles politiques, culturelles et ethniques
- Editeur : Editions Sigest
- Auteur : Erol Ozkoray
- Date de parution : 2010
- Format : 12 x 17 cm
- Nombre de pages : 52