Peut-on être à la fois Arménien, membre d’un Millet ottoman et catholique ? cette question est sous-jacente aux multiples conflits qui ont émaillé l’histoire de cette communauté au cours du XIXe siècle. Les Arméniens catholiques de l’empire ottoman, attachés à réaliser l’union avec les Arméniens apostoliques, se sont partagés entre partisans de l’alignement sur la discipline latine et partisans du maintien des usages de l’Église arménienne et d’une autonomie relative de leur institution patriarcale. Ces divisions ont connu deux moments de tensions extrêmes, entre 1847 et 1853, autour de la condamnation de la société Hamazkeyats (La Nation Unanime), symptomatique du Réveil culturel arménien initié par les mékhitaristes de Venise, et entre 1867 et 1888, avec la formation d’un schisme arméno-catholique. Ce travail rend compte de l’étroite connexion entre ces évènements et ceux qui secouent l’Église romaine en Europe au temps du Printemps des Peuples, et qui ont contribué au développement du catholicisme intransigeant. Désir d’union et affrontement d’ecclésiologies antagonistes, sujets du Sultan ou « sujets » du pape, « nation » attachée aux traditions et portée vers la modernité, uniformisation sur le modèle de la discipline latine ou respect des disciplines orientales, protection étrangère ou loyauté ottomane, telles sont en résumé les thématiques antagonistes qui sont à l’oeuvre au cours de ces décennies de formation confl ictuelle de la communauté arménienne catholique dans un contexte de sécularisation croissante. Elles touchent toutes à la question de fond de cette étude : comment faire Église et « nation » avec des fidèles dispersés, des juridictions séparées et des disciplines ecclésiastiques incompatibles entre elles, des patronages et des réseaux laïcs influents et concurrents, dans un empire en état de guerre endémique et pour lequel les questions religieuses offrent à des puissances étrangères l’occasion de fréquentes interventions ?
Salim Dermarkar est ingénieur de l’École Centrale des Arts et Manufactures (1975), docteur-ingénieur de l’École des Mines de Paris (1980) et docteur en Histoire contemporaine de l’EHESS (2020). Sa thèse à l’EHESS, conduite sous la direction du Professeur Bernard Heyberger, est à l’origine de cet ouvrage.
- Auteur : Salim Dermarkar
- Editeur : Les éditions du Cerf – Collection Cerf Patrimoines
- Date de parution : juin 2023
- Format : 15,2 x 22,9 cm
- Nombre de pages : 852